Transformer des véhicules anciens en électriques : une promesse séduisante mais complexe
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Le rétrofit électrique, qui envisage d’électrifier des voitures thermiques, avait le potentiel d’appuyer la transition écologique. Néanmoins, la récente fermeture de Lormauto, une société normande dédiée à cette innovation, interroge sur la durabilité financière de ce concept. Comment une entreprise qui avait captivé l’attention lors du Mondial de l’Automobile 2022 a-t-elle pu faire faillite en seulement trois ans ?
Lormauto : un rêve de rétrofit accessible qui s’effondre
Lormauto, fondée en 2020, se positionnait en précurseur dans le domaine du rétrofit des Renault Twingo de première génération. La proposition était séduisante : transformer cette citadine emblématique produite entre 1992 et 2007 en un véhicule 100 % électrique à un prix commençant à 12 500 euros, après application des aides de l’État. Un tarif compétitif dans un secteur où les véhicules électriques neufs demeurent significativement plus coûteux que les thermiques.
La société avait mis au point une solution technique globale permettant de remplacer le moteur thermique par un système électrique, tout en préservant les caractéristiques essentielles du véhicule. Cette méthode offrait l’avantage de s’appuyer sur un modèle bien connu, apprécié pour sa maniabilité en milieu urbain et avec une structure déjà amortie.
Des réussites techniques, mais un parcours commercial chaotique
Avant sa fermeture, Lormauto avait accompli plusieurs réalisations marquantes :
- Création et homologation complète de véhicules électrifiés, répondant aux attentes d’une clientèle variée
- Établissement d’une usine pour une production annuelle de 3 000 véhicules
- Conception d’une plateforme d’électrification adaptée aux petits véhicules
- Réception de centaines de commandes malgré une visibilité limitée
Cette démarche démontrait qu’il était possible d’atteindre une certaine forme d’indépendance industrielle dans le secteur du rétrofit, en privilégiant la durabilité des véhicules existants plutôt que leur remplacement. Une vision en phase avec les ambitions de réduction de l’empreinte carbone du parc automobile français.
Échecs : manque de fonds et marché immature
Le 19 mai 2025, Franck Lefèvre, l’un des co-fondateurs de Lormauto, avait annoncé via LinkedIn la fermeture de la société. Malgré des promesses de financement, incluant environ 2 millions d’euros de la part de Bpifrance et du ministère de l’Industrie, les termes avaient changé, laissant l’entreprise sans les ressources nécessaires pour continuer.
Cette situation met en lumière les défis auxquels font face les entreprises de rétrofit électrique :
- Coûts de développement et d’homologation élevés
- Concurrence accrue des véhicules électriques neufs dont les prix continuent de diminuer
- Complexité du cadre réglementaire relatif à l’homologation des véhicules rétrofités
- Une demande encore hésitante sur ce type de solution alternative
Avenir du rétrofit électrique en France ?
La fermeture de Lormauto ne signifie pas l’extinction du rétrofit électrique, mais souligne les défis importants auxquels sont confrontées ces entreprises. D’autres acteurs, tels que R-FIT, spécialisé dans les modèles de collection, continuent leurs activités, principalement sur des segments de niche ou hauts de gamme, où les marges bénéficiaires sont plus attrayantes.
Pour que ce secteur s’épanouisse vraiment, plusieurs conditions doivent être réunies :
- Un soutien public plus concerté, avec des aides financières appropriées
- Une simplification des démarches d’homologation spécifiques au rétrofit
- Une sensibilisation accrue du public aux avantages environnementaux de cette option
Le rétrofit présente un avantage écologique : transformer un véhicule existant engendre environ 66 % de moins d’émissions de CO2 que la fabrication d’un nouveau véhicule, même électrique. Cet argument est défendu par Franck Lefèvre, qui maintient que son “combat continue” malgré la fermeture de Lormauto.
Repensons le modèle économique
La situation de Lormauto illustre la difficulté à établir un modèle économique viable pour le rétrofit des voitures abordables. Les coûts de transformation restent élevés, atteignant souvent 50 à 70 % du prix d’un véhicule électrique neuf.
Une approche plus ciblée pourrait s’avérer judicieuse, en se concentrant sur :
- Les flottes professionnelles, où l’amortissement peut être optimisé
- Les véhicules utilitaires légers, qui ont généralement une durée de vie plus longue
- Les voitures de collection ou ayant une réelle valeur patrimoniale, où le surcoût est plus facilement accepté
Le message de Franck Lefèvre reste porteur d’espoir : “Imaginer et produire une voiture électrique accessible et réparable est faisable.” Reste à dénicher le juste équilibre entre ambitions écologiques et réalité économique afin que cette promesse se concrétise à une plus grande échelle dans les années à venir. 🚗⚡