Cette enquête incroyable : l’automobile de collection fait-elle toujours rêver ?

Selon le registre des véhicules de plus de 30 ans immatriculés en 2024, il apparaît que les collectionneurs et les automobilistes avec un budget limité partagent un même espace, du moins dans ce fichier.
D’après les données fournies par AAA Data, organisme en charge des statistiques automobiles en France, 108 737 véhicules particuliers âgés de plus de 30 ans ont été immatriculés l’année dernière, ce qui traduit une augmentation de 3,1 %.
À ce chiffre, il faut ajouter 28 554 immatriculations sous le statut « carte grise collection », qui affichent une légère baisse de 2,3 %. On pourrait croire que les voitures anciennes sont en pleine ascension.
Pourtant, une analyse plus détaillée des modèles mis en circulation et des observations d’agences spécialisées dévoile une réalité plus nuancée : la crise économique actuelle impacte sérieusement le marché, rendant l’achat de véhicules, qu’ils soient neufs ou d’occasion, difficile pour bon nombre d’automobilistes.

Peugeot 205 et Citroën 2CV, des valeurs sûres

Incontestablement, le modèle le plus immatriculé en 2024 parmi ceux de plus de 30 ans est la Peugeot 205 avec 8 637 ventes. Vient ensuite, sur la deuxième marche, la célèbre Citroën 2CV.
Fait surprenant, la sixième position est occupée par 3 233 Renault Clio de plus de 30 ans, affichant une hausse de 25 %. D’autres modèles notables incluent 1 947 Citroën AX (+10,4 %), 1 904 Peugeot 106 (+72,9 %) et 1 558 Renault Twingo (+122,3 %). Ces chiffres ne signifient pas forcément que ces véhicules soient très recherchés par les passionnés.
Éric Lecointre, directeur à l’Ademe, souligne que 103 3261 épaves ont été traitées par les démolisseurs en 2023, représentant une baisse de 11,5 %. “Cette diminution s’explique en partie par une conservation plus longue des voitures par leur propriétaire, ce qui entraîne une augmentation de l’âge moyen des véhicules hors d’usage, dépassant désormais les 20 ans”, précise-t-il.
Selon AutoScout24, un site européen dédié aux petites annonces, beaucoup de consommateurs se tournent vers des véhicules âgés de plus de 16 ans, attirés par des prix plus abordables. “Ce segment est passé de 19 % à plus de 24 % de part de marché en quatre ans”, ajoute le directeur général.
Les statistiques du marché des voitures d’occasion de 2023, fournies par le ministère de la Transition écologique, montrent une dynamique particulière chez les véhicules de 20 à 25 ans (+ 13,2 %) et ceux de 25 ans et plus (+ 11,6 %). Ensemble, les autos de 15 ans et plus ont constitué 27,7 % des transactions en 2023 !
Cette tendance vers des véhicules plus âgés est bien réelle, avec un nombre croissant de personnes s’appuyant sur une Twingo de plus de 30 ans pour leurs déplacements.

Les « youngtimers » en plein essor

D’autre part, les véhicules de collection plus récents, datant de 30 ans ou moins, continuent d’attirer les passionnés. En 13ème position des immatriculations pour les voitures de plus de 30 ans se trouve la BMW Série 3, qui a vu ses transactions augmenter de 35,1 % en 2024 !
Pour satisfaire cette demande croissante, BMW déploie davantage de ressources. “Nous avons ajouté la Série 3 E46 à notre programme classique en janvier 2024”, a déclaré un représentant de la marque. Il est à noter que ce modèle a été produit jusqu’en 2006.
En ce qui concerne la série E30, reconnue comme l’une des références des youngtimers, la marque élargit sans cesse son catalogue : “Un panel de nouvelles pièces de rechange sera bientôt disponible : disques de frein, pare-chocs, ailes…”
Néanmoins, même si des modèles comme la BMW Série 3 et la Peugeot 205 GTi symbolisent la tendance, le marché semble évoluer. “Nous observons une baisse des demandes pour ces modèles”, remarque Arthur Vergnaud, propriétaire d’AC Youngtimer en Gironde. “Actuellement, les petites voitures populaires en excellent état rencontrent un succès grandissant. Il y a cinq ans, ces modèles n’intéressaient vraiment personne. Ce matin encore, j’ai vendu une 205 GL en parfait état pour 5 000 €.” Ces youngtimers des années 80-90 séduisent aussi pour des raisons plus terre à terre : “Avec une Peugeot 205 de 1983, on peut circuler dans les zones à faibles émissions (ZFE),” précise Vergnaud.
Pascal Rousselle, vice-président de la Fédération française des voitures d’époque, confirme que “nous recevons plusieurs demandes de personnes qui envisagent de transformer leurs véhicules de 30 à 35 ans en voitures de collection pour pouvoir circuler dans les ZFE.”

Un marché du prestige dynamique

RM Sotheby’s, acteur clé dans le secteur de la vente de voitures de prestige et de collection, a enregistré en 2024 un chiffre d’affaires de 887 millions de dollars. C’est une hausse par rapport aux 811,7 millions de dollars de l’année précédente, répartis sur 54 pays.
La vente la plus marquante de l’année a été celle d’une Ferrari 250 GT SWB California Spider de 1960, adjugée pour 17 millions de dollars, selon Le Journal du luxe.
« Sur le secteur des véhicules à partir de 100 000 €, nous touchons un public moins affecté par la crise », observe Marion Quesne, co-dirigeante de Classic Car Auctions.
Toutefois, même parmi les acheteurs fortunés, on assiste à un certain retour à la raison : “Les prix des Porsche avaient fortement augmenté ces dernières années, mais ils se stabilisent maintenant. Il est crucial d’afficher des prix justes aujourd’hui pour vendre une Porsche,” indique-t-elle.
Ce constat est également partagé par Pierre Novikoff, directeur adjoint d’Artcurial Motorcars à Paris : “Il existe toujours un grand intérêt pour les voitures de collection et des acheteurs potentiels, mais le volume des transactions a diminué, » note-t-il.
« Après la période Covid, les gens voulaient profiter. Néanmoins, un ajustement des prix a eu lieu pour les automobiles des années 50, 60 et 70, avec moins d’acheteurs à ces tarifs observés en 2022-2023. Une Maserati Ghibli, par exemple, vaut actuellement entre 100 000 et 150 000 €, contre 300 000 € auparavant.”
Selon lui, les prix sur les voitures de prestige ont en moyenne baissé de 30 %, ce qui a contribué à assainir le marché.
Il ajoute que ce sont désormais les voitures des années 80, 90 et 2000 qui sont les plus prisées. « Les modèles des années 50 ont souvent subi des restaurations, alors qu’il est possible d’en trouver encore des exemplaires originaux en très bon état parmi ceux des années 80, » conclut-il. Cette normalisation des prix entraîne une situation paradoxale, car “avec ces tarifs plus calmes, les acheteurs reviennent en force,” déclare le directeur adjoint d’Artcurial Motorcars, ayant généré un chiffre d’affaires de 60 millions de dollars en 2024, chiffre similaire aux années précédentes.

L’avis de L’Auto-Journal

Que ce soit une Peugeot 205 ou une Maserati Ghibli, l’attrait pour les voitures anciennes est en hausse parmi les automobilistes. Cette tendance pourrait-elle être une réponse à une forme d’autophobie ambiante ? Probablement.
Tous les experts interrogés lors de cette étude ont souligné que l’amour pour l’automobile reste vivant au sein d’une grande partie de la population.
Un simple indicateur le prouve : le Salon Époqu’auto de Lyon a attiré plus de 100 000 visiteurs en novembre 2024.

Pour plus d’informations sur le marché des voitures anciennes, retrouvez notre enquête dans le numéro 1177 de L’Auto-Journal daté du 06/02/2025.