Lucid : le défi de la production et la parole de Peter Rawlinson
Notre chronique du jour s’intéresse à un leader de la mobilité durable dont la production annuelle de voitures ne dépasse pas les 10 000 unités. Un constat surprenant pour une entreprise de renom.
Dans le paysage automobile, certains dirigeants se distinguent par leurs discours souvent creux, comme celui de Peugeot. En revanche, Peter Rawlinson, le PDG de Lucid, affiche un franc-parler bien marqué. Ces dernières années, il a multiplié les interventions médiatiques, n’hésitant pas à critiquer ses concurrents.
Récemment, lors d’un podcast américain, il a été très direct : « beaucoup de voitures électriques sur le marché laissent à désirer. Je le constate en testant les véhicules concurrents. » Il avait déjà partagé cette opinion lors d’une interview avec Autocar, soulignant que la qualité des voitures électriques des autres marques était souvent insuffisante, ce qui freinerait les ventes globales.
Pour Rawlinson, Lucid se situe au-dessus du lot car il considère que ses concurrents ont négligé l’efficacité, un élément fondamental de la conception d’un véhicule électrique. Tandis que d’autres se concentrent sur l’augmentation de la taille des batteries pour améliorer l’autonomie, Lucid mise sur l’optimisation de l’efficacité énergétique.
Il a mis en avant le modèle Lucid Air Pure, prétendant qu’il s’agit du véhicule le moins gourmand en énergie à ce jour. Ce n’est pas une voiture bas de gamme, mais une berline de luxe qui affiche des performances impressionnantes en matière de consommation.
En résumé, il présente sa voiture comme une Classe S, mais avec une consommation équivalente à celle d’une Spring. Des tests menés par Automobile Propre corroborent ses dires, prouvant que l’Air démontre un réel avantage technique. Néanmoins, un petit bémol subsiste : la commercialisation de ce qui est censé être la meilleure voiture du monde n’est pas optimale.
La réussite de Tesla a suscité des ambitions chez de nombreux acteurs du secteur, tous désireux de tirer parti du marché électrique pour déloger les marques historiques. Lucid, fondée en 2007, fait partie de ce lot, émergeant peu après Tesla.
Lorsque Tesla a annoncé 1,7 million de véhicules vendus en 2024, un chiffre en baisse par rapport à l’année précédente, Lucid se réjouissait tout de même d’avoir livré 10 241 voitures. Sa production annuelle ne dépassait quant à elle pas 9 000 unités.
Il est vrai que le premier modèle de Lucid n’a été lancé qu’en 2021. D’appellation haut de gamme, il vise à concurrencer des modèles comme la Tesla Model S ou la Porsche Taycan. Toutefois, en regardant les chiffres, la comparaison avec les déclarations audacieuses de Rawlinson laisse perplexe.
Sans lien officiel, mais non sans ironie, Peter Rawlinson a récemment quitté son rôle de PDG. Dans une communication destinée à la presse, il a déclaré : « Je suis immensément fier des succès de l’équipe Lucid durant ces douze dernières années, car nous sommes passés d’une petite entreprise à un acteur majeur reconnu dans le domaine de la mobilité durable. »
Mais ce statut de leader, quel est-il vraiment ? Les fidèles d’Automobile Propre peuvent connaître Lucid, mais pour le grand public, l’entreprise reste méconnue. Actuellement, ses voitures ne sont disponibles que dans quelques pays, dont quatre en Europe.
En France, qui représente un marché électrique important, Lucid n’est pas encore présent, et son arrivée est entourée d’incertitudes. De plus, la marque n’a pas de distribution en Chine. Avoir la meilleure voiture électrique du monde ne sert à rien si elle est introuvable dans même une dizaine de pays, c’est un vrai handicap.
La Lucid Air, bien que somptueuse et techniquement aboutie, se positionne comme un produit de niche à prix élevé, donc peu adaptée à notre marché. Pour mieux s’implanter, Lucid envisage de proposer des modèles plus accessibles à l’avenir.
D’ailleurs, Rawlinson a exprimé sa vision de la voiture électrique idéale, qui devrait proposer une autonomie de 300 km. Un objectif qui, paradoxalement, ne se retrouve pas dans les offres actuelles de ses véhicules. Bien qu’il en soit conscient, Rawlinson rappelle que la stratégie de la marque vise d’abord le haut de gamme pour, dans un second temps, diffuser ces technologies dans d’autres segments lorsque cela sera économiquement viable.
Cependant, cette ambition se heurte à un défi considérable, car Lucid génère de lourdes pertes financières. Lors de la publication des résultats financiers de 2024, la société a affiché encore plus de 6 milliards de dollars de liquidités, grâce à l’injection de capitaux par un fonds saoudien. Dans le même temps, les pertes s’élevaient à 2,7 milliards de dollars, équivalant à près de 260 000 dollars perdus par voiture vendue ! Y a-t-il là matière à se réjouir côté finances ?
Il serait malhonnête de ma part de ne pas reconnaître que ces défis sont typiques des débuts d’une entreprise. Avant de dégager des bénéfices, des pertes sont inévitables. Néanmoins, après trois années d’activité, il apparaît que la Lucid Air peine à séduire sur le plan commercial tout en générant des déficits financiers significatifs, une situation qui aurait peut-être dû inciter son directeur à faire preuve de plus d’humilité.
En comparaison, malgré un léger revers en 2024, la Porsche Taycan a réussi à écouler plus de 160 000 unités depuis son lancement fin 2019. Pendant ce temps, la Lucid Air a conquis seulement 20 000 clients depuis 2021. La fabrication d’une voiture électrique techniquement performante est une chose, la commercialisation en est une autre.
Heureusement pour Lucid, bien que Rawlinson ne soit plus PDG, il continuera à contribuer à l’entreprise en tant que conseiller technique pour le président du conseil d’administration, un nouveau poste pour lequel il percevra un salaire de 120 000 dollars par mois.
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